ÉDITOS-ACTUALITÉS : COMMERCE INTERNATIONAL
LES VOTES DU CONGRÈS AMÉRICAIN SUR LES QUESTIONS COMMERCIALES:
BEAUCOUP DE POLITIQUE INTERNE, MAIS PAS DE STRATÉGIE RÉELLE
Les votes récents du Congrès sur des traités commerciaux entre les Etats-Unis et trois pays : Panama, Colombie et Corée (seul le troisième pays est bien sûr significatif) et le vote du Sénat sur une « bill » visant les pays qui sous-évaluent leur monnaie, c’est-à-dire, dans l’esprit des sénateurs, essentiellement la Chine, m’ont inspiré quelques réflexions. La première chronique sera consacrée au Traité Corée-Etats-Unis.
LE TRAITÉ COMMERCIAL ETATS-UNIS-CORÉE
Il se trouve que , dans les derniers jours, je lisais le livre de Clyde Prestowitz, « The Betrayal of American Prosperity (Free Press, 2010), spécialiste des questions de commerce international[1], qui consacre près d’une page aux négociations préparatoires à ce traité qui se sont étalées sur plus de 5 ans. Il y montre comment les deux parties s’y prennent en général pour mener ces pourparlers et pourquoi l’une des parties est nécessairement perdante.
Du côté Coréen, le Gouvernement a une vision de l’avenir du pays et une claire idée des intérêts nationaux à défendre, ce qui lui permet de discuter avec les différentes parties concernées (d’abord, les grands « Chaebols ») pour obtenir des résultats stratégiques clairs et précis concernant les secteurs où ils veulent pouvoir faire des progrès sur le marché américain pour poursuivre leur expansion sur les marchés et asseoir si possible leur domination : rechercher des baisses de droits de douane en priorité sur certains produits en faisant éventuellement des concessions sur d’autres, moins stratégiques, protection des entreprises coréennes contre des poursuites éventuelles concernant la propriété intellectuelle et les brevets (je cite Prestowitz)…..
Du côté américain, il s’agit d’abord d’une démarche idéologique vague et imprécise visant à faire progresser le « free market », c’est à dire le libre-échange. Bien sûr, les négociateurs disposent d’une « wish List » adressée par les industriels et les membres du Congrès sur la base de laquelle ils vont essayer de défendre les intérêts américains. Mais, leur souci primordial est de ne pas mécontenter les parties les plus influentes politiquement et celles qui exercent le plus de pression avec tous les moyens à leur disposition (celles qui crient le plus fort en fait). Et l’auteur de citer, comme exemple, le cas des exportations de bœuf considérées comme une priorité nationale par la partie américaine car l’homme qui défend les intérêts des éleveurs est (je cite) le Sénateur Max Baucus, représentant de l’Etat du Montana (état grand producteur de viande comme l’on peut s’en douter), mais surtout, Chairman de la Commission des Finances du Sénat….
La conséquence de la signature de ce traité est simple à prévoir : Le déficit Etats-Unis-Corée va continuer à se creuser en défaveur des Etats-Unis, avec des automobiles coréennes de plus en plus compétitives qui vont tailler des croupières à des producteurs américains sauvés de la faillite à grands frais par les contribuables américains et une industrie des semi-conducteurs qui va accroitre sa domination sur un secteur aussi stratégique pour les industries de la Défense. Du côté américain, peut-être quelques morceaux de viande en plus dans les « Korean Barbecues »…..
En fait, c’est toujours la même histoire qui recommence : la défense aveugle d’une simple idéologie[2], le « laisser-fairisme » échangiste comme disait Maurice Allais, face à des pays qui défendent leurs intérêts nationaux au nom d’une certaine vision de leur développement, conduit les économies occidentales au déclin et des catégories de la population de plus en plus nombreuses au désespoir. Mais, nous reviendrons sur toutes ces questions……
Christian Gomez
[1] Clyde Prestowitz est le fondateur et le Président du « Economic Strategic Institute » situé à Washington. Il fut négociateur principal pour les questions commerciales avec l’Asie sous l’administration Reagan et Vice-Chairman de la Commission pour le Commerce et le Développement pour la zone Asie-Pacifique sous la Présidence Clinton. Il est aujourd’hui membre du World Economic Forum et Consultant International.
[2] Je ne peux que renvoyer aux exposés de Maurice Allais sur la question. Pour une synthèse générale, voir mon article pour le journal suisse Le Temps qui est sur ce site sous le titre : « Faut-il interdire les délocalisations ? Réponse au Professeur Imbs »