« Notre tâche essentielle apparaît ainsi comme de « repenser » le monde dans lequel nous vivons ; de réviser les échelles de valeur de nos jugements et les principes de notre action, de nous débarrasser de tout préjugé, de toute idéologie, de tout conformisme, de toute orthodoxie ; de bien distinguer celles de nos conceptions qui sont compatibles avec les nécessités vitales et l’idéal permanent de l’humanité de celles qui ne le sont pas, et de rechercher honnêtement et scientifiquement les principes synthétiques qui doivent présider à notre vie commune » (Maurice Allais, 1945b, p. 11)
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QU’EST-CE QUE LA MONNAIE ?
LES COURANTS CONTEMPORAINS ET MAURICE ALLAIS
Christian GOMEZ
Toute théorie qui fait jouer à la monnaie un rôle clef dans l’explication des phénomènes économiques, que ce soit les fluctuations économiques ou les mouvements des prix, se heurte à une difficulté de base: la définition du concept de monnaie permettant de choisir ou de construire les indicateurs monétaires les plus représentatifs possibles du concept défini, afin de procéder aux illustrations nécessaires et aux vérifications empiriques requises par la pratique scientifique. A vrai dire, le problème n’est pas nouveau. Dès l’origine des “théories monétaires”, à partir du moment où les monnaies métalliques ont dû cohabiter avec d’autres formes d’instruments de règlement ou de conservation de la valeur, la difficulté est apparue. Il suffit de rappeler les controverses passionnées du XIXème siècle au sujet du statut du billet de banque et du dépôt à vue et, parmi elles, la plus célèbre, celle opposant les partisans du « Currency Principle » (Ricardo) à ceux du « Banking Principle » (Tooke) lors du renouvellement du privilège d’émission de la Banque d’Angleterre.
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Les contributions de Maurice Allais à la question européenne : libres débats
Arnaud Diemer
Université de Clermont-ferrand, PHARE-GRESE
Depuis près de vingt ans, la communauté scientifique associe le nom de Maurice Allais au Prix Nobel de sciences économiques et à ses travaux de pionnier (1943) sur la théorie des marchés et l’utilisation efficace des ressources. Les contributions de Maurice Allais à l’analyse économique touchent essentiellement quatre domaines (Allais, 2001): la théorie de l’évolution et de l’équilibre économique général, de l’efficacité économique et des fondements du calcul économique ; la théorie du capital ; la théorie des choix aléatoires ; la théorie de la monnaie, du crédit et de la dynamique monétaire. Maurice Allais (1943, 1952, 1994) n’hésitera pas à rappeler que ses travaux ont trouvé leur origine dans la méditation des oeuvres de trois grands maîtres qui l’ont profondément marqué : Léon Walras, Vilfredo Pareto et Irving Fisher. Toutefois, comme le soulignait Thierry de Montbrial (2002, p. 453), « on réduirait singulièrement la dimension du personnage et de son oeuvre si l’on ne retenait que le versant théorique, aussi monumental soit-il ». S’inscrivant dans la longue tradition des ingénieurs économistes français (Dupuit, Divisia…), Maurice Allais rappelait dans La passion de la Recherche (2001) que c’était ce contact direct avec les réalités économiques et sociales qui a décidé de sa carrière d’économiste. Ainsi, la démarche de sa pensée « n’a pas été de partir de la théorie pour aboutir aux faits, mais tout au contraire, d’essayer de dégager de faits la trame explicative sans laquelle ils apparaissent incompréhensibles et échappent à toute action efficace ». La connaissance pure ne peut donc se passer de l’action . Cette relation n’est pas univoque. Si l’économie pure a besoin de l’économie appliquée, cette dernière s’appuie nécessairement sur celle-là. Pour comprendre l’imbrication des questions d’économie pure et d’économie appliquée dans la pensée de Maurice Allais, nous nous concentrerons sur les aspects de son oeuvre relatifs à la construction européenne. Partisan d’un « socialisme concurrentiel » (1949c, p. 1), Maurice Allais n’a jamais cessé de prôner un libéralisme économique non dogmatique.
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Maurice Allais, itinéraire d’un économiste français
Henri Sterdyniak
L’oeuvre de Maurice Allais est abondante et protéiforme. Elle comporte des travaux d’économie théorique et d’économie appliquée comme des ouvrages de politique économique. Dans les années 1940, il établit rigoureusement les fondements de la théorie microéconomique néo-classique. C’est pour ces «contributions pionnières à la théorie des marchés et de l’utilisation efficace des ressources » qu’il obtient en 1988, 40 ans plus tard, le prix Nobel d’économie. Après la guerre, il apparaît comme le chef de file des ingénieurs économistes français. Il défend le planisme concurrentiel, troisième voie entre le laisser-fairisme et le planisme autoritaire. En 1952 il remet en cause la théorie de la décision en avenir incertain. Puis, il s’égare dans les arcanes de la « théorie héréditaire, relativiste et logistique de la demande de monnaie » et dans des travaux de physicien amateur, s’isolant ainsi de la communauté scientifique. Dans les années 1970, il remet en cause la théorie de l’équilibre général pour proposer une « théorie générale des surplus ». Ses analyses le conduisent à préconiser, au nom du libéralisme, une réforme fiscale (l’attribution à l’Etat de toutes les rentes par un impôt sur le capital), une réforme monétaire (le « 100 % monnaie »), et l’indexation de toutes les créances. Après son prix Nobel, il se consacre à la lutte contre la mondialisation libérale et la construction européenne libre-échangiste.