Ch. Gomez: « faut-il interdire les délocalisations ? »

UNE THÉORIE CORRECTE, UNE APPLICATION ERRONÉE

Réponse à l’article de Jean Imbs : « faut-il interdire les délocalisations ? »

Le Professeur Imbs (Le Temps du 14 février) nous a délivré un trés intéressant plaidoyer en faveur de ce qu’on appelle aujourd’hui le Mondialisme, justifiant théoriquement les développements économiques actuels et nous promettant des lendemains radieux « dans le long terme », c’est à dire, dans le langage des économistes, dans un avenir difficile a préciser, compris entre 2 jours et plusieurs décennies……Pour ce faire, la théorie ricardienne des coûts comparatifs est largement mise à contribution, sous l’autorité du grand Samuelson, ce qui peut donner aux lecteurs non avertis  l’impression que le débat est tranché sur le plan scientifique et qu’ils n’ont qu’à s’incliner devant les arguments de la Science et de l’idéologie dominante réunies. Aussi mon propos est-il  de tempérer le propos en arguant que si la théorie mentionnée est correcte en soi, elle l’est dans les limites de ses hypothèses. Or, aucune de celles-ci n’est réalisée dans le monde actuel. Dès lors, son application erronéee peut avoir des conséquences dramatiques dans un contexte marqué par l’émergence de pays gigantesques ( le tiers de l’Humanite), disposant « d’armées industrielles de réserve » immenses et ayant des capacités technologiques incontestées (Chine, Inde…). Personnellement, j’utiliserai aussi un des plus grands économistes de ce temps (Maurice Allais, Prix Nobel 1988), pourtant réputé comme un grand esprit libéral, qui a fait de ce combat contre le « laisser-fairisme » un des derniers grands combats de sa vie. Le problème ici n’est pas de prendre partie, mais d’évaluer les problèmes et les risques des évolutions actuelles.

Théorie correcte, la démonstration de la théorie des coûts comparatifs supposent des conditions d’application très restrictives qui n’ont rien à voir avec les conditions d’aujourd’hui.


La théorie des coûts comparatifs, telle qu’exposée par Ricardo, est abondamment illustrée dans l’article du Prof. Imbs. Elle revient à démontrer que, même si une économie A est plus efficiente en tous produits qu’une économie B, un surplus global ( accroissement de revenu) peut etre créé si chaque pays accepte l’échange international et se spécialise dans les produits où il est relativement le plus fort ( pays A), ou relativement le moins faible (pays B). Si A est  4 fois plus efficient que B en moyenne, A se spécialisera dans les productions ou son rapport d’efficience relativement à B est supérieur à 4,  B se spécialisant dans toutes celles où le rapport est inférieur à ce niveau. Dans une version ultérieure plus sophistiquée de la théorie, présentée par les grands économistes suédois Ecksher et Ohlin, il est démontré que, derrière les avantages comparatifs, tels que définis par Ricardo, il y a des quantités relatives de facteurs (capital,travail, terre) et que chaque pays exporte en fait les produits qui contiennent relativement le plus de facteurs dans lesquels il est relativement le plus riche (des facteurs donc relativement moins chers chez lui) et importe des produits contenant relativement plus de facteurs dans lesquels il est relativement le plus déficient (donc relativement plus chers chez lui).  Derrière les produits, ce sont donc des quantités de facteurs qui s’échangent et cela n’est pas sans effets sur la répartition des revenus dans les deux pays : Si A, par exemple, est relativement riche en facteur Capital et pauvre en facteur Travail, l’échange international revient pour lui à ‘importer’ du travail via des produits a ‘haute intensité’-main d’oeuvre et à ‘exporter’ du capital via des produits riches dans ce facteur, ce qui va tendre, toutes choses égales par ailleurs ( à revenu global constant), à abaisser le prix du travail et à augmenter le prix du capital en A. La réciproque est bien sur vrai pour B.

La démonstration semble impeccable. Alors, où sont les problemes ?  Ils résident en fait dans les hypothèses mêmes du modèle quand on les confronte à la réalite et dans les déductions totalement erronées qui sont tirées des enseignements de ce modèle.

Premier problème : que représentent les taux de change aujourd’hui ?

La théorie des coûts comparatifs suppose que les balances commerciales sont équilibrées en moyenne et que le taux de change (1) s’ajuste de telle manière que les rapports des rémunérations salariales au taux de change en vigueur reflètent le rapport des productivités moyennes et (2) égalise les niveaux moyens des prix nationaux ( par exemple, si la productivité moyenne du pays A est 4 fois celle du pays A, les charges salariales par employé de B dans la monnaie du pays A devraient être en moyenne 4 fois inférieures). Qui peut prétendre que nous sommes dans une telle situation aujourd’hui ? Quel économiste serait assez naïf pour fonder ses prévisions de taux de change sur les PPA (Parités de Pouvoir d’Achat) ? Les changes sont soumis a des flots spéculatifs qui font chaque jour plusieurs centaines de fois le volume nécessaire aux transactions commerciales et ils peuvent varier dans des proportions énormes dans des laps de temps trés courts. Certains pays, parmi les plus importants aujourd’hui, comme la Chine ou le Japon, contrôlent leurs monnaies et l’utilisent sans vergogne pour gérer leurs problèmes internes par du dumping monétaire. En l’absence d’un système monétaire international digne de ce nom, parler de l’application de la théorie des coûts comparés parait un tantinet surréaliste.

 

Second problème : le modèle ne prévoit pas l’investissement exterieur…….

En supposant même que les taux de changes soient dans la situation d’équilibre postulée par la théorie, que se passe-t-il si on introduit l’investissement extérieur, c’est a dire la mobilité du capital ? La théorie l’exclut puisque, comme on l’a vu, c’est par l’échange de produits finis  que les pays compensent leurs déficiences relatives en facteurs de production. C’est bien sûr un point capital dans un monde où les flux d’épargne et de crédit sont totalement libres. Or, cela change radicalement le modèle. Si, dans notre exemple, le pays B peut mettre en oeuvre le capital investi sur son territoire par des entrepreneurs du pays A avec la même efficience  (ou même plus, en raison de lois sociales moins contraignantes ou inexistantes) que dans le pays A, pour des salaires 4 fois inférieurs, alors même les industries réputées compétitives ( du strict point de vue de la théorie des coûts comparatifs ) du pays A , vont nécessairement se trouver déstabilisées. En fait, dans un environnement caractérisé par des coûts de communication pratiquement nuls et des coûts de transports réduits, il est probable que le pays A gardera, au moins dans un premier temps, les services administratifs et la recherche, tandis que seront délocalisées progressivement toutes les autres fonctions productives de l’entreprise.  La presse se fait l’echo tous les jours de processus de ce type, et cela maintenant va toucher un nombre de plus en important de types d’emplois tertiaires ( informatique, Back-office….), le seul obstacle rencontré étant finalement la barrière linguistique…… Et, comme les « arméees industrielles de réserve » dans les pays de type B sont presque sans limites, les salaires des pays d’accueil mettront « beaucoup » de temps (euphémisme) à s’élever. Le processus de délocalisations peut donc durer longtemps et creuser trés profond dans le tissu économique des pays a hauts salaires de type A…….

 

Troisième Problème : les coûts de transition ne sont pas pris en compte

Dans tout mouvement de ce type, les coûts de transition sont considérables : des travailleurs des pays industrialisés sont  mis au chomage, avec des espoirs nuls souvent de reclassement et donc à la charge de la collectivité pour de longues périodes ( aux coûts monétaires s’ajoutent donc des coûts psychologiques),  des investissements passés sont envoyés à la casse, des savoir-faire entretenus pendant des décennies sont irrémédiablement perdus, des régions entières   sont dévastées, la croissance même, au niveau global, est cassée ,sans compter les autres « externalités » liées aux conséquences sociales de ces changements ( cf point suivant). En face de cela , « où est la monnaie de cette politique » ? Où sont les avantages, en termes d’augmentation du bien-être de la population, qui est le but ultime, il ne faut pas l’oublier, de tous ces remue-ménages ?  Là, les réponses deviennent évasives…L’on nous parle essentiellement de prix relatifs des biens de consommation moins élevés, en oubliant bien sûr que les consommateurs sont les mêmes gens qui produisent ( et donc supportent baisses de revenus, chômage et incertitude) et paient leurs impôts (et donc le coût des « externalités »). On attend toujours de la part des « laisser-fairistes » un véritable bilan en valeur actuelle comparant les coûts d’aujourd’hui et les gains ‘estimés’ de demain. Il est probable que la plupart ne se sont même pas posé la question, puisque le dogme leur donnait déjà la réponse. Ceux, probablement les sceptiques, qui ont essayé d’y regarder de plus près arrivent à des conclusions plûtot mitigées. Comme le dit Allais : «ce que montrent a la fois l’observation et l’analyse théorique ,c’est que les avantages obtenus dans le commerce international résultent bien plus de l’amélioration des productivités sous la pression de la concurrence sur les marchés que de la réalisation des surplus correspondant à des avantages comparatifs. Ces derniers sont en général tout a fait surestimés » (Allais,1997, p160)

 

Quatrième problème : Les conséquences sociales sont totalement sous-estimées

En fait, derrière ces évolutions, se cache un fantastique bouleversement dans la répartition des revenus. Les travailleurs non qualifiés ( mais le niveau de qualification menacé s’élève tous les jours…)  de nos pays industrialisés sont désormais toujours trop chers….Dans les pays où les salaires sont relativement flexibles (USA), on voit d’une manière palpable la dégradation relative (graphique 2). Dans la plupart des pays, cela se traduit par le sous-emploi (apparent et caché par le traitement social de l’emploi), l’apparition des « working poors », misérable population de travailleurs précaires, la stagnation des salaires pour la plus grande partie de la population, ceux-ci décrochant complètement de l’évolution de la productivité (graphique 1)….Bien entendu, comme les revenus nationaux augmentent quand même, cela veut dire qu’il y a des gagnants, mais je laisse le soin à chacun de les identifier……

 

Revenu des ménages et productivité aux Etats-Unis 1947-2003

(Revenu familial median)

En fait, en citant Samuelson, le Professeur Imbs aurait dû aussi mentionner le fameux théorème de ce dernier sur « la tendance à l’égalisation des revenus des facteurs au plan international en situation de concurrence pure et parfaite ». En gros, cela revient a démontrer, entre autres, que les salaires des employés des pays industrialisés en concurrence avec ceux, par exemple, de Chine ou d’Inde, verront leurs salaires s’aligner sur les salaires de ces derniers…..qui devraient tout de même un peu augmenter….. C’est pourquoi que, lorsque les supporters du « laisser-fairisme » intégral parlent de « s’adapter », c’est toujours de réductions de coûts salariaux qu’il s’agit. Le problème, c’est qu’ils ne disent jamais de combien il faudrait abaisser les salaires pour retrouver « l’équilibre »………

 

Cinquième Problème : Il y a des « spécialisations » meilleures que d’autres….

A lire le  Professeur Imbs, on a l’impression que, certes, il peut y avoir des problèmes « temporaires », mais que finalement tout le monde gagne nécessairement au  « laisser-fairisme ». C’est faire preuve, pour le moins, d’un optimisme très exagéré. On a déjà vu ce qu’il fallait en penser au plan des differentes catégories d’employés. Mais, même au niveau des pays et des groupes de pays, la réponse n’est pas évidente. En statique ( répartition  du gain global déjà créé ou à créer par une spécialisation), Stuart Mill ( au XIXème siecle !) avait deja noté le problème en signalant que toutes les spécialisations n’étaient pas identiques du point de vue de la répartition des gains de l’échange, certains pays pouvant gagner, d’autres non, en fonction de la nature des produits dans lesquels ils se spécialisaient (cela dépendait des élasticités-prix plus ou moins forte de la demande internationale). En dynamique, on peut se demander si toutes les spécialisations sont bonnes à prendre quand il s’agit de conserver sa capacité de croissance à long terme et ses aptitudes à l’innovation, de sauvegarder son indépendance, ne serait-ce qu’alimentaire, ou son environnement, et son pouvoir de choisir son avenir. La réponse est clairement non. En fait, une des hypothèses majeures de la théorie des coûts comparatifs, souvent peu explicitée, est que les avantages doivent etre permanents pour justifier la spécialisation. Ce qui est rarement le cas. En dehors des ressources naturelles ou des avantages climatiques, rien n’est permanent. Tout peut évoluer. Et il n’y a aucune grande réussite economique de l’Avant et de l’Après-guerre  qui ne se soit appuyée sur un refus des spécialisations spontanées et sur une construction des avantages comparatifs.

 

Sixieme problème : Le « laisser-fairisme » n’est pas synonime « d’allocation optimale des ressources »

Dans le discours dominant, c’est l’argument ultime : Etre pour ou contre cette fameuse « allocation optimale », tel serait le dilemme. Et avec ce corrollaire : Laisser faire le Marché et tout ira pour le mieux….Là aussi, c’est la plus grande confusion qui règne. Il vaut donc mieux laisser parler les experts et, a priori, celui qui a recu un Prix Nobel précisément sur ces sujets, Maurice Allais : « cette proposition repose essentiellement sur la confusion de deux concepts : le concept d’efficacité maximale de l’économie et le concept d’une répartition optimale des revenus…En fait, il n’y a pas une situation d’efficacité maximale, mais une infinité de telles situations. La théorie économique permet de définir sans ambiguité les conditions d’une efficacité maximale , c’est à dire d’une situation sur la frontière entre les situations possibles et les situations impossibles. Par contre, elle ne permet pas de définir parmi toutes les situations d’efficacité maximale, celle qui doit etre considére comme préférable. Ce choix ne peut être effectué qu’en fonction de considérations éthiques et politiques relatives â la répartition des revenus et à l’organisation de la société. »(Allais, 2002,p77)

 

*                     *                         *

Ainsi, il doit apparaitre en toute clarté qu’il n’y a aucune nécessité « théorique » à accepter le discours dominant et que rien, absolument rien ne garantit un avenir radieux et une confiance béate dans je ne sais quelle « main invisible » (le fameux « marché ») qui conduirait de manière inéluctable notre destin. Le mérite de l’ intéressant article du Professeur Imbs est de lancer le débat à un bon niveau. Il est temps qu’il ait lieu réellement devant l’opinion publique, jusqu’ici abreuvée de pseudo-arguments « scientifiques », de propos lénifiants et de jugements définitifs sans valeur réelle, alors que ce qui est remis en question , souvent de la manière la plus directe et la plus brutale, c’est notre avenir même et surtout celui de nos enfants. Abraham Lincoln disait : « On peut tromper tout le monde quelque temps ou quelques uns tout le temps, mais on ne peut tromper tout le monde tout le temps » . Comme les conséquences des dérives actuelles sont inévitables si rien n’est fait pour en modifier le cours, la vérité éclatera nécessairement et nul ne peut prédire ce qui arrivera alors. Il ne s’agit pas de prôner un repliement frileux sur nos terroirs. Mais, entre une autarcie irréalisable et peu recommandable et un « laisser-fairisme » échevelée et naif, qui met nos peuples à genoux, il y a peut-être une voie pour un libre-échange pensée et organisée. A  ma connaissance, les vrais libéraux n’ont jamais été des partisans de la « loi de la Jungle ».

 

Christian GOMEZ

[Docteur d’Etat en Economie, CG est aujourd’hui en charge des activités en Suisse- hors Banque Privée- d’une grande banque internationale. Ayant débuté sa carrière dans l’enseignement et la recherche en France, sous la Direction de Maurice Allais, il a eu par la suite une longue carrière bancaire internationale en France, Asie ( Japon et Asie-hors Japon) et Grande-Bretagne dans les marchés de capitaux et la Banque d’investissement]

 

Note : pour en savoir plus sur Maurice Allais

  • Combats pour l’Europe, 1992-1994, Clément Juglar, Ed, 1997
  • Combats pour l’Europe 1995-2002, Clément Juglar, Ed, 2002
  • La Crise Mondiale d’Aujourd’hui, Clément Juglar, Ed, 1999
  • La mondialisation, le destruction d’emplois et de la croissance: L’évidence empirique, Clément Juglar, Ed, 2003

9 Responses to Ch. Gomez: « faut-il interdire les délocalisations ? »

  1. PH dit :

    Monsieur Gomez, êtes vous solidaire de ce passage de Maurice Allais?

    « Maurice Allais : L’idéologie que j’appelle « libre-échangiste mondialiste » a déjà fait d’innombrables victimes dans le monde entier. […]

    D’où vous vient cette conviction ?

    Maurice Allais : Cette certitude naît d’une simple observation, ce que je nomme « la cassure de 1974 ».
    Sur la période 1974-1997, le taux de chômage au sens du BIT est passé de 2,84 % à 12,45 %, soit un accroissement de 1 à 4,4. De même, le taux de sous-emploi est passé de 3,39 % à 23,6 %, soit un accroissement de 1 à 7. Or, à partir de graphiques, d’analyses statistiques, on doit relier cette crise de l’emploi à un changement brutal intervenu en 1974.

    Entre 1955 à 1974, les effectifs dans l’industrie s’étaient accrus d’environ un million, soit 50 000 par an – avec un pourcentage d’emplois industriels dans la population active qui restait constant et stable, aux alentours de 28 %. Entre 1974 et 1993, en revanche, ces effectifs ont décru d’environ 1 700 000, soit 90 000 par an – et le taux d’emplois industriels a fortement diminué, de 28 % à 17 % »

    dans lettre ouverte adressée par Maurice Allais à Monsieur Jacques MYARD

    Cette thèse est abondamment reprise (peut être déformée?) dans la sphère des blogs, comme en atteste cet exemple :

    « En Annexe 1, Maurice Allais montrait notamment, analyse logarythmique à l’appui, que la rupture de croissance en France et dans les pays européens fondateurs, dès 1974, n’est pas due au premier choc pétrolier (car les Etats-Unis ne subirent aucune rupture, même en pro-rata de leur dépendance pétrolière) mais aux décisions qui ont suivi l’entrée du Royaume Uni dans l’Europe (nouvelle politique monétaire, abandon de la préférence communautaire, “laisser-fairisme”, etc.) » Hadrien | le 13 octobre 2010 à 20:42
    peyrelevade.blog.lemonde.fr/2010/10/06/la-question-keynesienne-2/ (à précéder de http://)

    En lieu de l’abandon de la préférence communautaire, c’est plus vraisemblablement le choc pétrolier qui a ébranlé le formidable rattrapage de l’Europe vis à vis des E.U., commencé au sortir de la deuxième guerre mondiale. D’ailleurs, le Japon lui aussi à la dépendance élevé vis à vis des producteurs de pétrole, connut une cassure beaucoup plus brutale. Illustration avec le graphique ci-dessous comparant l’évolution des PIB réels des USA, Europe occidentale et Japon, de 1870 à 2006:

    cassure1974.blogspot.com/ (à précéder de http://)

    Ne faudrait-il pas parler de récupération abusive de la cassure de 1974 (« Cette certitude naît d’une simple observation, ce que je nomme « la cassure de 1974 ». ») pour démontrer les méfaits de la mondialisation? Faut-il voir dans ce manque de rigueur la raison de la mise à l’écart par la communauté scientifique dont Maurice Allais se disait la victime? Les thèses de Maurice Allais sur ce sujet sont en effet bien postérieures à celles pour lesquelles il reçut le prix Nobel et la médaille d’or du CNRS. Est-ce bien honorer sa mémoire que de disséminer les travaux sans doutes les moins représentatif de son génie?

    • christian GOMEZ dit :

      Cher Monsieur,

      Je suis désolé de répondre avec autant de retard mais je n’avais pas regardé le blog de manière attentive depuis…. quelque temps.

      Je découvre donc bien tardivement votre commentaire et votre question.

      Ma réponse est claire: Non, je ne suis pas en accord sur le point évoqué, la cassure de 1974, avec les thèses de mon maitre.

      J’avais eu beaucoup de discussions avec lui à ce sujet et je lui avais même communiqué des dizaines de graphiques montrant l’évolution du PNB par tête en longue période pour de très nombreux pays, dont des pays émergents avancés comme le Chili.

      Cette orientation d’Allais à tout expliquer à une certaine époque par le commerce international était d’autant plus étrange pour moi qu’il a été le premier à mettre en évidence le lien existant entre retard de productivité par rapport aux Etats-Unis (à la fin de la guerre) et le taux de croissance tendanciel des économies de marché. C’était dans ses études de la fin des années 60 concernant le lien entre croissance et inflation.

      Il est clair qu’il faut revenir sur ces questions car elles sont essentielles., ce que je vais m’efforcer de faire dans les prochaines semaines.

      A bientôt

      • A-J Holbecq dit :

        Bonjour Christian
        Puis-je suggérer que cette cassure de 1974 a de multiples causes
        – l’ouverture au commerce extérieur
        – la crise pétrolière (mais pourquoi lorsque les prix sont redevenus dans l’évolution naturelle, la tendance aurait du s’inverser)
        – la loi de 1973 obligeant les Administrations publiques à financer leurs besoins de trésorerie sur les marchés

      • Bruno Lemaire dit :

        M. Allais ne dit pas que son explication tient pour le monde entier, il a étudié explicitement le cas français, et ses explications me semblent plus que raisonnables, ainsi que ses suggestions en faveur d’un protectionnisme raisonnable, et régional. Les faits sont têtus.

        B.L.

  2. Bruno Lemaire dit :

    Bonjour,

    Dans son édition de 1999 (« La mondialisation ») M. Allais montre qu’une cause de la cassure de 1974 ne peut en aucun cas être la crise pétrolière liée à la guerre israelo-musulmane.

    Ses explications me semblent particulièrement pertinentes.

    De plus, les courbes obtenues sur 45 ans montrent que les variables explicatives retenues sont plus que signifiantes.

  3. christian GOMEZ dit :

    Bonjour à tous,

    Et des excuses comme toujours pour ma participation épisodique qui va devenir maintenant plus régulière.

    Non, je maintiens et j’ai tous les éléments pour le prouver: Le commerce extérieur n’a rien à voir dans la cassure de 1974.

    Ce qui s’est passé, c’est la séquence suivante:

    * A partir de la fin des années 60, les pays européens ont connu une tendance au ralentissement de la croissance qu’ils ont cherché à combattre par des moyens keynésiens (politiques budgétaire et monétaire) dans un contexte de hausse des salaires de plus en plus rapide ==> dérive inflationniste de plus en plus forte
    *avec les chocs pétroliers et les hausses de l’inflation qui s’ensuivirent, les politiques de relance ne furent plus possibles et c’est au contraire des politiques de rigueur qui furent mises en place après la dernière tentative imbécile d’un dénommé Chirac en 1975==> elles culminèrent avec la politqiue de Raymond Barre.
    * la dernière tentative de relance eut lieu avec l’arrivée de la Gauche au pouvoir et se termina par la catastrophe que l’on sait et l’adoption de la RIGUEUR et la mise en place de la politique de désinflation de Delors.

    En fait, ce phénomène de ralentissement qu’ont connu tous les pays européens et, après, tous les pays en forte expansion comme le Japon, Taiwan, …etc relève d’UN SEUL FACTEUR: l’effet catch-up, c’est à dire le rattrapage approximatif du niveau de productivité par tête US par les pays européens d’abord, les autres ensuite…. Le ralentissement n’était donc pas dû à un problème de déficience de la demande, mais à un problème lié aux difficultés de continuer à faire croitre la productivité au même rythme qu’auparavant alors qu’il fallait maintenant non plus IMITER mais INVENTER. Par ailleurs, les ajustements structurels, très grands pourvoyeurs de gains de productivité, comme la réduction du secteur agricole par exemple, étaient en voie d’achèvement.

    Au contraire, dans cette période, le commerce international, essentiellement intra-européen a joué UN RÔLE EXTRÊMEMENT BÉNÉFIQUE.

    Il faut que je mette la main sur une étude que j’avais faite en 1985 et que je la scanne pour que je puisse vous montrer de manière décisive que tout mes arguments s’appuient sur une analyse des faits extêmement solide.

    Le dossier à charge de ce « laisser-fairisme » échevelé est suffisamment lourd pour ne pas tenter de le rendre encore plus lourd avec de faux arguments qui risqueraient de décrédibiliser tout le reste qui est éminemment valable.

    Bien à vous tous

    CG

    • Samuel Callewaert dit :

      Cher Monsieur Gomez,

      Avant tout, mes plus sincères félicitations pour votre article. J’ai effectué une démonstration similaire à mon professeur de macro-économie l’année passée mais, à mon grand regret, il s’est entêté à répéter son dogme de la fuite en avant : Plus d’ouverture nécessaire, la « main invisible » met seulement du temps etc.

      J’aimerais donc avoir votre accord pour la diffusion de votre article (impression à destination de plusieurs de mes collègues étudiants, professeurs et amis intéressés par le sujet). Comme il se doit, je vous citerai comme source et je référencerai le site dans la bibliographie.

      J’aimerais également savoir si vous avez eu l’occasion de remettre la main sur votre étude de 1985 dont vous faites mentions dans votre commentaire. Je serais fort intéressé par celle-ci.

      Bien à vous.

      Samuel Callewaert

      • Christian GOMEZ dit :

        Cher Monsieur,

        Comme vous avez dû vous en apercevoir, je ne suis pas très assidu dans mes lectures et interventions sur les blogs.

        J’ai, ces derniers temps, beaucoup travaillé sur « La pensée monétaire de Maurice allais et la nationalisation de la monnaie, ou comment Allais à refondé la tradition issue de la currency school » (qui sera mis en ligne prochainement dans sa version initiale et sous une forme powerpoint , le tout étant présenté au colloque de l’AFEP).

        Bien entendu, il n’y a aucun problème pour moi à ce que vous repreniez mon article du Journal suisse « Le Temps » ( qui n’a aucun problème quant à lui de copyright) et je ne peux que vous remercier de votre attention et de votre confiance. Mon sentiment est qu’il y a dans cet article tous les éléments qui permettent de mettre en pièces la « pensée dominante » en la matière, sachant que tous les arguments sont issus des travaux des plus grands économistes. Mais, il y a une telle régression de la pensée économique dans ce domaine et ailleurs…..

        Malheureusement, je n’ai pas pu remettre la main sur la note de 1985 qui était en fait destinée au Directoire du CEPME qui s’attendait à voir arriver un argumentaire en faveur de la relance de la croissance …grâce aux PME. En fait, j’arrivais à la conclusion voulue mais au terme d’un raisonnement bien compliqué (trop?) pour les énarques qui dirigeaient la maison: Oui, il faut « booster » l’innovation et l’esprit entrepreneurial mais pour simplement maintenir un rythme de croissance de la productivité de 2/2.5% par an car, désormais, les économies occidentales s’alignaient sur les Etats-Unis dont c’était le rythme depuis …1870 (J’ai fait un nouveau calcul dernIèrement pour un tout autre sujet qui le confirme). Le pain blanc du rattrapage était mangé et, maintenant, il fallait se battre pour obtenir chaque année quelques pour cents de croissance supplémentaire. Aujourd’hui, le raisonnement est très éventé mais, à l’époque, je peux vous assurer qu’il était vraiment en avance. J’avais fait des graphiques sur longue période des Etats-unis, des grands pays européens et du japon qui montraient que l’Europe atteignait son plafond tandis que le Japon avait encore quelques années devant lui mais que cela allait bientôt finir et que déjà son rythme de croissance s’amenuisait ( je rappelle que le boom japonais s’est achevé en à la fin 1989-année 1990).

        Je tiens à dire que le fil directeur de mon discours et de mes recherches m’avait été inspiré par Allais qui avait produit, plusieurs années auparavant, une corrélation très intéressante pour montrer que la croissance des pays européens dans l’après guerre n’avait rien à voir avec l’inflation mais tout avec l’effet-rattrapage. Je suis marri qu’il ait ensuite oublié ce résultat pour tout expliquer par l’effet commerce international que rien ne soutient pour cette époque dite « de rupture ».

        Très cordialement

        Christian GOMEZ

  4. Samuel Callewaert dit :

    Cher Monsieur Gomez,

    Avant tout, je vous remercie pour votre réponse. Ne vous inquiétez pas, je ne considère pas les fora comme des lieux où prévaut la vitesse, mais plutôt la qualité. Je suis déjà très honoré que vous m’ayez répondu !

    J’en profite pour vous témoigner le profond respect que j’ai pour vous et votre travail.Votre présentation « Une +vieille+ idée peut-elle sauver l’économie mondiale ? », entre autres, m’a passionné. Je vous ai d’ailleurs « découvert » au fil de lectures d’articles et d’ouvrages de feu Maurice Allais, pour lequel j’éprouve beaucoup de considération également.

    Actuellement, à mon modeste niveau, je tente de redécouvrir l’économie au-delà des standards préchauffés par l’enseignement et, mieux encore, je tente autant que faire se peut de diffuser les connaissances. C’est en vertu de ce dernier point que j’ai sollicité votre permission. Sachez que je suis preneur de tout article ou toute production qui permettrai(en)t d’enrichir les connaissances à destination de tous.

    Je vous souhaite beaucoup de courage pour le travail que vous menez. Sachez que bien des gens sont interpellés par le sujet économique, à plus forte raison en cette période de troubles… Votre travail est, à mon sens, un bienfait pour l’ensemble de la société et gagne être connu et vous, dignement reconnu !

    Cordialement.

    Samuel Callewaert

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